Appel à candidature bourse de thèse Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (Octobre 2022-septembre 2025) Date limite de candidature 25 mai 2022 – POSTE POURVU
Note sur la mobilité : Le travail de thèse sera basé à Nancy, au CRPG (60% du temps environ). Plusieurs séjours de recherches seront programmés dans les laboratoires des co-encadrants, au CEREGE (environ 20% du temps) et à l’Université de Lyon (20%). PH Blard s’engage à fournir au futur doctorant(e) les moyens financiers nécessaires à cette mobilité. Au cours de la première année de thèse, nous organiserons une mission de terrain dans l’Ouest Américain pour analyser les successions marno-calcaires crétacées de cette région et prélever une coupe à haute résolution.
Compétences attendues : géologie générale, sédimentologie, géochimie, paléontologie, méthodes numériques et statistiques
Description détaillée du sujet de thèse :
Les alternances cycliques marno-calcaires submétriques constituent des formations sédimentaires qui se rencontrent dans la plupart des environnements de dépôts pélagiques et hémipélagiques du Phanérozoïque (Einsele, 1982). Les cyclostratigraphes ont aujourd’hui bien établi que ces variations lithologiques sont rythmées par la variabilité astronomique de l’orbite terrestre (les cycles orbitaux), dont les périodes propres sont de 22, 41, 100 et 405 ka (Milankovitch, 1941). Cependant, les mécanismes sédimentologiques qui sont responsables de ces alternances marno-calcaires ne sont pas encore établis de manière claire et peuvent varier d’un bassin à un autre. Dans la littérature, plusieurs modèles sédimentologiques s’opposent (Einsele, 1982) : selon certaines écoles de pensée, le flux silico-clastique est constant, et ce sont les variations de la production carbonatée nette, possiblement pilotée par le niveau marin, qui sont la cause des alternances marno-calcaires (e.g., Van Os et al., 1994 ; Pittet et Mattioli, 2002). À l’inverse, selon d’autres modèles sédimentologiques, le flux carbonaté resterait constant et les apports terrigènes varieraient selon les rythmes astronomiques – pilotant la répartition et l’intensité des précipitations sur les continents (e.g., Mount et Ward, 1986 ; Locklair et Sageman, 2008).
À ce jour, il n’a pas encore été possible de trancher entre les différentes hypothèses parce que les méthodes géochronologiques utilisées en stratigraphie (notamment la biostratigraphie ou la cyclostratigraphie) n’ont pas la résolution suffisante (<5 ka) pour mesurer les variations des taux de sédimentation respectifs entre les strates marneuses et les strates carbonatées.
Au cours d’une étude pilote menée au CRPG en 2020-2021, nous avons éveloppé l’utilisation de l’3He extraterrestre (3HeET) pour évaluer si cet outil géochronologique utilisé à haute résolution (au moins un échantillon par 5 ka) pouvait nous faire progresser sur ce sujet. L’3HeET est apporté sur Terre par les micrométéorites à un flux qui peut être considéré comme constant sur les échelles de temps inférieurs à 10 ka (e.g., Farley et al, 2012). Ainsi, mesurer la concentration d’3HeET dans les dépôts sédimentaires permet de déterminer le taux de sédimentation à une échelle de 1 ka. Comme nous analysons également la teneur en CaCO3 de chaque échantillon, cette méthode permet de déterminer précisément les valeurs relatives et absolues du flux silico-clastique et du flux carbonaté. Notre étude pilote a été menée avec une résolution inédite sur 3 cycles marno-calcaires (3,5 m) du Bajocien de Barles (Chaine subalpines, Alpes de Haute-Provence, France) et sur un cycle marno-calcaire (90 cm) du Valanginien (Fig. 1). Nos résultats montrent que, dans ce contexte épicontinental de la paléo-Téthys, le flux terrigène est resté constant ; la production carbonatée est le paramètre qui a varié de manière cyclique, et « dilué » ainsi les autres composants (SiO2, Carbone organique total (COT)) pendant les pics de production carbonatée (Blard et al., Dingue, 2021 ; Blard et al, in prep. for EPSL). L’étude quantitative plus fine du carbonate de calcium a aussi permis de démontrer que le CaCO3 provenant en très grand majorité de la production des plateformes carbonatées environnantes et non pas de la productivité pélagique exportées dans le bassin profond.
Figure 1 – Détermination des flux silico-clastiques et carbonatées à l’échelle de 3 séquences marno-calcaires avec l’3HeET dans le Bajocien de Barles (Alpes de Haute-Provence, France) (Blard et al., in prep)
Cependant, d’autres environnements sédimentaires plus proximaux pourraient être sujets à des processus différents. En particulier, les très étudiés dépôts marno-calcaires du Cénomanien-Turonien de la Mer intérieure nord-américaine (KWIS ; Fig. 2) sont interprétés comme le résultat de variations des apports silico-clastiques dans la partie proximale du bassin et de variation des apports carbonatée dans la partie distale du bassin (Eldrett et al., 2015). Par contre, ce sont les apports en silico-clastiques qui seraient à l’origine des alternances pour le Coniacien-Santonien jusque dans la partie distale du bassin (Loklair et Sageman, 2008).
Figure 2 – La Mer intérieure nord-américaine au Crétacé supérieur (Blakey, 2008)
Aussi, dans cette thèse, l’étudiant-e analysera l’3HeET à haute résolution en sélectionnant des coupes et carottes bien étudiées du Cénomanien et du Turonien, en prenant soin de comparer différents environnements et contextes paléogéographiques (1 coupe haute résolution dans la KWIS (Eldrett et al., 2015) + analyses de 1 ou 2 carottes IODP en contexte pélagique très distal). Nous proposons d’analyser au moins 10 doublets marno-calcaires par site pour garantir une représentative statistique suffisante et éventuellement détecter des variations de fréquence. La résolution sera choisie en fonction du taux de sédimentation, pour garantir un échantillon tous les 3 ka au moins. La composition chimique en éléments majeurs et traces, le COT et les δ13CTOC et le δ13CCaCO3 seront aussi mesurés, l’analyse de leur variabilité servira ainsi d’information stratigraphique complémentaire, tant pour définir la rythmicité que pour identifier les processus. La nature de la faune de fossile, la minéralogie, ainsi que l’origine du CaCO3 seront également déterminée par comptage des nanno- et des micro-fossiles au CEREGE, Université d’Aix-Marseille (encadrement B. Suchéras-Marx), et au LGL-TPE, Université Claude Bernard Lyon1 (encadrement G. Suan).
Enfin, le doctorant-e abordera aussi une question subsidiaire, plus risquée. Il s’agira de faire progresser notre compréhension de l’évènement anoxique qui s’est produit à la fin du Cénomanien (OAE2). Cette « crise d’oxygénation » de l’océan a duré entre 350 et 850 ka (Boulila et al., 2020 et références cités) serait le résultat d’un évènement qui a déclenché une fertilisation extrême des océans, qui a engendré le dépôt massif de marnes riches en carbone organique (black shales) et l’appauvrissement en oxygène des océans. En conséquence, la production carbonatée et la biodiversité marine se sont effondrées. Cependant, plusieurs hypothèses restent ouvertes, notamment sur 1) la nature de l’évènement déclencheur (volcan, météorite, hausse du niveau marin, réchauffement climatique) et 2) la durée de récupération du système couplée biosphère-océan-atmosphère. Fort-e des connaissances apportées par son étude principale sur le Cénomanien, l’étudiant-e utilisera l’3HeET à haute résolution sur la transition Cénomanien-Turonien dans le but de contraindre les mécanismes sédimentaires des phases de l’OAE2. Ces données permettront de progresser sur la détermination de la nature déclencheur, de discuter de la durée de l’événement mais aussi d’estimer la résilience du système. Dans ce cadre, la mesure de la concentration en Hg (rapportée au COT) permettra de tracer le volcanisme parmi les hypothèses des événements déclencheurs. Une analyse conjointe de l’iridium et d’autres traceurs géochimiques (PGE) d’une éventuelle météorite permettra d’éviter les circularités de raisonnement, notamment s’il s’avérait que le flux de 3HeET avait varié à proximité de l’AOE2.
Références
Blakey, R.C., 2008. Gondwana paleogeography from assembly to breakup-A 500 m.y. odyssey. Geological Society of America Special Papers 441, 1-28. 10.1130/2008.2441(01) Boulila, S., Charbonnier, G., Spangenberg, J.E., Gardin, S., Galbrun, B., Briard, J., Le Callonnec, L., 2020. Unraveling short- and long-term carbon cycle variations during the Oceanic Anoxic Event 2 from the Paris Basin Chalk. Global and Planetary Change 186, 103126. https://doi.org/10.1016/j.gloplacha… Einsele, G., 1982. Limestone-Marl cycles (periodites) : Diagnosis, significance, causes – a review, in : Einsele, G., Seilacher, A. (Eds.), Cyclic and event stratification. Springer, Berlin Eldrett, J.S., Ma, C., Bergman, S.C., Ozkan, A., Minisini, D., Lutz, B., Jackett, S.-J., Macaulay, C., Kelly, A.E., 2015. Origin of limestone–marlstone cycles : Astronomic forcing of organic-rich sedimentary rocks from the Cenomanian to early Coniacian of the Cretaceous Western Interior Seaway, USA. Earth and Planetary Science Letters 423, 98-113. https://doi.org/10.1016/j.epsl.2015… Farley, K.A., Montanari, A., Coccioni R., 2012. A record of the extraterrestrial 3He flux through the Late Cretaceous. Geochimica et Cosmochimica Acta 84, 314-328. Locklair, R.E., Sageman, B.B., 2008. Cyclostratigraphy of the Upper Cretaceous Niobrara Formation, Western Interior, U.S.A : a Coniacian-Santonian orbital timescale. Earth and Planetary Science Letters 269, 540-553 Milankovitch, M., 1941. Kanon der erdbestahlung und seine anwendung auf das eiszeitproblem. Königlich Serbische Academie 133, 633 pp. Mount, J., Ward, P., 1986. Origin of limestone/marl alterations in the upper Maastrichtian of Zumaya, Spain. Journal of Sedimentary Research 56, 228-236. 10.1306/212F88C8-2B24-11D7-8648000102C1865D Pittet, B., Mattioli, E., 2002. The carbonate signal and calcareous nannofossil distribution in an Upper Jurassic section (Balingen-Tieringen, Late Oxfordian, southern Germany). Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 179, 71-96 Van Os, B.J.H., Lourens, L.J., Hilgen, F., De Lange, G.J., Beaufort, L., 1994. The formation of Pliocene sapropels and carbonate cycles in the Mediterranean : Diagenesis, dilution, and productivity. Paleoceanography 9, 601-617
Encadrants :
Pierre-Henri Blard (DR-HDR, CRPG Nancy – géochimiste, géochronologue) 60 %
Baptiste Suchéras-Marx (MC, CEREGE Aix en Provence, sédimentologue, paléontologue) 20%
Guillaume Suan (MC, Université de Lyon – sédimentologue, géochimiste) 20%
Candidature : Envoyer un CV (3 pages maximum), une lettre de motivation et 1 (ou 2) lettre(s) de recommandation avant le 25 mai 2022 aux 3 encadrants : blard@crpg.cnrs-nancy.fr ; sucheras-marx@cerege.fr ; guillaume.suan@univ-lyon1.fr