Effondrements géants du massif des Annapurnas

Photographies : Jérôme Lavé & Maris Huber

La barrière des Annapurnas se dresse fièrement au cœur de l’Himalaya central, au Népal, présentant probablement l’un des reliefs les plus spectaculaires de la Terre avec des altitudes passant de 1000 à près de 8000 mètres en moins de 30 kilomètres. Ce massif est le lieu de tous les superlatifs avec un soulèvement tectonique et des précipitations annuelles plus élevés que long du reste de l’arc himalayen. Tous ces ingrédients font de cette région une zone extrêmement dynamique en termes d’érosion.

Cette érosion se matérialise le long des versants escarpés par de nombreux glissements de terrain aux formes et vitesses très diverses. Leur manifestation la plus impressionnante s’exprime au travers de glissements géants, c’est-à-dire mobilisant des volumes effondrés avoisinants ou supérieurs à 1 kilomètre cube. Bien que rares de tels événements ont un impact majeur sur la dénudation de la chaîne himalayenne et des conséquences potentiellement dramatiques avec des avalanches rocheuses ou des coulées de débris dévastant les vallées en aval sur des dizaines de kilomètres.

Appréhender l’aléa gravitaire dans cette région passe notamment par l’identification des glissements géants et leur datation. Les restes de ces glissements se caractérisent par des brèches très claires, compactes et indurées, que le ruissellement a sculpté en jardins de pénitents, en dents acérées, dressées au pied des falaises englacées des hauts sommets himalayens, autant de paysages surprenants que spectaculaires.

La haute vallée de la Marsyandi, située sur les contreforts septentrionaux du massif des Annapurnas, offre plus particulièrement le témoignage de nombreux dépôts de glissements géants passés imbriqués dans les morphologies glaciaires. Grande vallée ouverte, s’étalant entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, elle attire de nombreux touristes avides de dépaysement, de paysages grandioses et de panorama sur les cimes enneigées des Annapurnas qui s’enchainent et forment une muraille quasi continue à plus de 7000 mètres. Points d’orgue de la vallée : le Pisang Bowl à son entrée, gigantesque surface structurale plissée qui s’offre au regard tel un demi-vélodrome incliné ; les villages de Pisang et de Manang, avant-postes du monde tibétain, avec ses maisons en pierre et pisé, et ses troupeaux de yacks ;  le col de Thorung La qui permet de basculer sur la vallée de la Kali Gandaki et Muktinath haut lieu de pèlerinage pour les hindouistes ; et enfin le lac de Tilicho, un des plus hauts lacs du monde perché à près de 5000 mètres d’altitude et qui s’est formé au début de l’Holocène à l’arrière d’un barrage formé par un glissement rocheux géant.