L’océan dans les montagnes d’Oman
David Jousselin.
Pour un voyageur, l’Oman est le pays de l’encens, bordé par le Rub Al Khali, le désert des déserts conté par Wilfred Thesiger, et les eaux bleues de l’Océan Indien. Un pays accessible, calme et tolérant, où les touristes à la recherche d’insolite peuvent randonner dans de fabuleux paysages qui évoquent les aventures de Sinbad le marin.
Pour un archéologue, c’est la mystérieuse région de Magan, qui fournissait en cuivre et en diorite (la pierre royale) la Mésopotamie au IIIe millénaire avant J.-C.
Pour un anthropologue des religions, c’est le seul pays où domine l’ibadisme, l’école la plus ancienne en islam, selon laquelle le commandeur des croyants ne doit pas être nécessairement de la lignée de Mahomet, ni d’une certaine race ou couleur.
Pour un géologue, c’est le seul pays où la capitale se dresse sur des péridotites, la roche du manteau qui gouverne le mouvement des plaques mais qui reste le plus souvent cachée sous la croûte. C’est aussi le pays de la plus belle ophiolite du monde.
Comment ? Quand une plaque tectonique océanique se rapproche d’une plaque continentale, la plaque océanique s’enfonce généralement sous le continent. C’est le cas dans les zones de subduction, comme au Japon ou au Chili. Mais avant la collision de deux continents, une partie du plancher océanique se met à chevaucher le continent, et l’on retrouve dans les chaines de montagnes (dont les Alpes!) ces lambeaux de plaque océanique échoués, qu’on appelle des ophiolites, qui marquent la suture entre les deux continents rentrés en collision.
L’Oman n’est pas encore rentré en collision avec l’Iran. Le rendez-vous est prévu pour dans deux millions d’années. Mais la plaque lithosphérique de l’ancien océan Néotéthys, dont le golfe d’Oman est un petit reste, a déjà chevauché l’est de l’Oman, et forme ses reliefs. On peut donc y étudier à pied sec, une ancienne croûte océanique, et le manteau sous-jacent, disséqués par l’érosion. On y a même découvert les restes d’une dorsale océanique, cette étroite fissure où se forme l’ensemble des plaques océaniques. Des chercheurs du CRPG y ont étudié comment se construisent les litages des gabbros qui forment le soubassement des chambres magmatiques. Ils continuent d’y explorer la structure et la chimie du manteau sous la paléo-dorsale pour comprendre comment le liquide magmatique y circule, et pourquoi il peut se concentrer à la dorsale au lieu de se disperser sur de grandes régions. D’autres y étudient les effets de l’affrontement des plaques en arpentant les roches autochtones du Djebel Akhdar (“la montagne verte”), dôme haut de 3000 mètres aux pentes arides, qui cache en son coeur des jardins suspendus.
Quoi que vous fassiez en Oman, que vous soyez sur ces roches océaniques qui forment la nappe tectonique la plus épaisse au monde (15 km), ou sur des roches autochtones remontées à la surface, vous y serez chaleureusement accueilli par les locaux, qui vous offriront un café parfumé à la cardamome, un bol de dattes et des oranges.