Suivi InSAR et modélisation des processus de solifluxion au Tibet

Etablissement – Université de Lorraine
École doctorale SIReNa – SCIENCE ET INGENIERIE DES RESSOURCES NATURELLES
Spécialité Géosciences
Unité de recherche CRPG – Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques
Encadrement de la thèse Jérôme LAVÉ (detailResp.pl?resp=6530)
Financement du 01-10-2023 au 30-09-2026 origine bourse ministère Employeur CRPG
Début de la thèse le 1 octobre 2023
Date limite de candidature (à 23h59) 1 juin 2023
PhD supervisors: Simon Daout (CRPG, University of Lorraine, simon.daout@univ-lorraine.fr), Jérôme Lavé (CRPG, DR CNRS, jerome.lave@univ-lorraine.fr)

Mots clés:

InSAR, pergélisol, solifluxion, Tibet, modélisation

Description de la problématique de recherche

Le plateau tibétain se caractérise par un paysage périglaciaire de haute altitude. Au-dessus de ~3500 m, la température moyenne annuelle est inférieure à 0°C, ce qui conduit à la présence d’un pergélisol (sol gelé en permanence). La couche active, située au sommet du pergélisol, dégèle pendant les mois d’été et d’automne et gèle pendant les mois d’hiver et de printemps. Ces phénomènes de gel et de dégel entraînent des mouvements cycliques de la surface qui peuvent être mesurés par des techniques de géodésie spatiale telles que l’interférométrie radar à synthèse d’ouverture (InSAR). Sur les pentes, des phénomènes de solifluxion se produisent, associés à une expansion du sol normale à la pente pendant le gel et à une subsidence plus ou moins verticale et à une saturation en eau liquide des couches sédimentaires pendant le dégel. Actuellement, les vitesses de déplacement du sol de surface dus aux processus de solifluxion et observés en InSAR le long des reliefs du Tibet peuvent atteindre des valeurs de 10mm/an. De telles valeurs tranchent avec les taux d’érosion à long terme mesurés au Tibet à l’aide de nucléides cosmogéniques qui sont de l’ordre de 0,01 mm/an, soit 2 à 3 ordres de grandeur inférieurs. L’objectif du projet est de déterminer si ces phénomènes de solifluxion sont récents et liés à l’augmentation de la
température globale et à la perte de glace du pergélisol au Tibet, ou si, au contraire, il s’agit de processus plus pérennes avec des flux de matériaux et des taux d’érosion stationnaires. A ce questionnement s’agrègent également des questions sur la stabilité des pentes au Tibet, et l’évolution long-terme de la morphologie du relief du plateau tibétain.
Dans ce projet, l’étudiant effectuera une analyse des données InSAR récemment traitées à très grande échelle sur le plateau tibétain, par le service de traitement massif et automatique CNES-ForM@Ter FLATSIM
(https://flatsim.cnes.fr/doi/), afin de documenter les déformations transitoires (cycle annuel) et cumulées du pergélisol.
Le travail comprendra la validation, l’analyse des produits et le développement d’outils pour (1) extraire automatiquement les instabilités de pentes et (2) mieux caractériser la cinématique des mouvements cycliques et séculaires dans la pente et dans la normale à la surface. Les mesures (cycles saisonniers et cumulatifs dans la pente et la normale) seront corrélées à la lithologie, à la nature des formations de surface et aux paramètres morphométriques afin de caractériser la distribution de ces processus. En parallèle, le projet consistera à modéliser par différences finies les cycles de gonflement/subsidence
et les mouvements liés à la solifluxion, en associant modèles mécanique et thermique en profondeur.
Les résultats attendus de ce travail d’analyse et de modélisation sont une quantification du dégel du pergélisol et des enjeux de cette dégradation sur les instabilités de pente, travail qui pourrait être extrapolé dans d’autres régions du globe, telles que les Alpes européennes.
Ces mesures à grande échelle sur le plateau tibétain permettront également de quantifier le rôle de ces phénomènes sur l’évolution géomorphologique à long terme du relief du plateau tibétain, et sur l’effacement des traces de déformations tectoniques en surface.

Thématique / Domaine / Contexte

géomorphologie périglaciaire et télédétection radar
Télédétections, Géomorphologie, Modélisation

Le projet proposé est porté par deux chercheurs (S. Daout et J. Lavé) appartenant au thème TEER du CRPG. Il impliquera à 100% le doctorant recruté. S. Daout est spécialiste de géodésie spatiale, et plus particulièrement d’interférométrie radar, et appliquée à la mesure des déformations tectoniques ou liées à l’hydrologie de surface affectant la région du Tibet. J. Lavé a une solide expérience en géomorphologie quantitative, notamment via des approches de terrain, de géochimie, de télédétection et de modélisation. Il s’intéresse depuis longtemps aux processus glaciaires, périglaciaires tout comme aux processus gravitaires et d’érosion.

Le projet est en imbrication avec un projet collaboratif piloté par le pôle de données et de services Terre Solide ForM@Ter et opéré par le CNES (https://flatsim.cnes.fr/doi/) – projet Form@ter FLATSIM (ForM@Ter LArge-scale multi-Temporal Sentinel-1 Interferometry measurement, Thollard et al., 2021). Les porteurs du projet ont répondu à un appel à idée en 2022, afin de produire un traitement automatique InSAR à l’échelle du Tibet et d’étudier un ensemble de phénomènes au Tibet: la tectonique, la rhéologie de la lithosphère, les mouvements gravitaires et la solifluxion, l’hydrologie, les glaciers, et le pergélisol. Le projet réunit un ensemble de spécialistes de ces disciplines.

Objectifs

L’objectif de ce projet est de quantifier de manière systématique (amplitude, répartition spatiale, augmentation récente) les déformations cycliques et cumulatives du sol en milieu périglaciaire. Il s’agira entre autres de quantifier les déformations de versant (solifluxion) et de les modéliser : nous chercherons à savoir si ce sont des phénomènes récents, en lien avec l’augmentation globale des températures et la modification du pergélisol tibétain, ou si, au contraire, ce sont des phénomènes plus pérennes, peu ou non documentés jusqu’à présent sur le plateau Tibétain.

Méthode

Le projet doctoral se décompose en tâches de télédétection, de géomorphologie, et de modélisation numérique, et se présente donc comme pluridisciplinaire. L’étudiant aura la possibilité d’interagir avec des spécialistes de nombreux domaines impliqués dans le projet FLATSIM-Tibet (tectonique, glissements de terrain, cryosphère, hydrologie), de participer à des groupes de discussion avec le CNES, et d’intégrer une communauté fédérée au niveau national et européen en pleine émergence.
L’étudiant·e profitera d’un encadrement scientifique proche au sein du thème TEER du CRPG, auprès d’encadrants qui ont déjà une forte expérience d’encadrement. Pour la partie télédétection et InSAR, il sera en premier lieu formé et encadré par S. Daout lors de son apprentissage de la chaîne de traitement et de l’extraction d’information et la détection des signaux liés au pergélisol. Pour la partie analyse des données en lien avec les processus de déformation du pergélisol et les contrôles climatiques, topographiques et lithologiques, il sera guidé dans un premier temps par ses deux encadrants avec l’idée ensuite qu’il s’approprie la démarche. Enfin sur la partie modélisation, il sera formé par ses encadrants à la physique qui régit l’évolution du pergélisol (et guidé au travers de lecture d’articles choisis) et aux bases de la modélisation par différence finies. L’objectif est qu’il/elle puisse se lancer dès le milieu de sa première année de thèse dans ses premières approches de modélisation de déformation du pergélisol. La démarche consistera à commencer avec des modèles très simplifiés et à ajouter ensuite de la complexité. Durant cette deuxième phase, comme indiqué précédemment, il pourra s’appuyer sur des modules de codes existants en bénéficient de l’aide et du suivi de L. Martin (Cerege), et sur l’expertise en calcul numérique de M. Zakari (IR au CRPG).

Références bibliographiques

Daout, S., Doin, M. P., Peltzer, G., Socquet, A., & Lasserre, C. (2017). Large-scale InSAR monitoring of permafrost freeze-thaw cycles on the Tibetan Plateau. Geophysical Research Letters, 44(2), 901-909.
Daout, S., Dini, B., Haeberli, W., Doin, M. P., & Parsons, B. (2020). Ice loss in the Northeastern Tibetan Plateau permafrost as seen by 16 yr of ESA SAR missions. Earth and Planetary Science Letters, 545, 116404.

Précisions sur l’encadrement

Simon Daout (Maître de conférences CRPG-ENSG _ SIRENA n°104336)

Conditions scientifiques matérielles et financières du projet de recherche

Le projet bénéficie de plusieurs sources de financement : un financement OTELO obtenu en 2022, et un financement INSU (deux volets financés en 2022 et 2023). Au cours du projet, si une mission au Tibet est logistiquement et politiquement possible, des demandes additionnelles seront sollicitées auprès de l’INSU ou du CNES pour la financer. Par ailleurs, l’équipe impliquée dans le projet dispose déjà des moyens de calcul numérique et de stockage informatique nécessaires à la réalisation du projet (serveur de calcul et plus de 100To d’espace disque acquis).

Ouverture Internationale

De par la thématique abordée, le projet se situe au carrefour de plusieurs disciplines scientifiques et méthodologies : cryologie, géomorphologie, climatologie et bien sûr télédétection, avec l’appropriation pour l’étudiant de compétences en assimilation de données en modélisation numérique. Une telle pluridisciplinarité sera un atout fort pour l’étudiant pour se positionner professionnellement, à l’issue de son doctorat, sur des thématiques environnementales qui nécessitent souvent d‘aborder des problèmes complexes avec des stratégies pluri ou interdisciplinaires.
Du fait du potentiel d’applications très étendu des nouvelles données satellites et de l’afflux sans précédents de données radar, de nombreux consortiums (e.g., COMET (au Royaume-Uni), NGU (en Norvège), ou UNAVCO (USA)), programmes de coopération internationaux (CEOS WG Disaster, EGMS, ESA/GEP, EPOS ), et industries (e.g. TRE-ALTAMIRA, https://site.tre-altamira.com/, SARMAP
https://www.sarmap.ch/index.php/software/sarscape/, etc.) ont vu le jour ces dernières années et mettent en place des services de traitement de données ou de logiciels. Cette émergence sans précédent de services articulés autour des produits radar amènera sans aucun doute de nombreuses perspectives internationales académiques ou industrielles au/à la futur.e doctorant.e

Objectifs de valorisation des travaux de recherche du doctorant : diffusion, publication et confidentialité,
droit à la propriété intellectuelle,…

Le CRPG finance une conférence internationale par étudiant au cours de sa thèse, et nous financerons au moins deux conférences supplémentaires sur nos fonds de recherche, de manière à ce que chaque année, le/la doctorant·e puisse présenter ses résultats dans des congrès internationaux. Bien entendu, le/la doctorant sera également invité·e à se rendre, tout au long de sa thèse, à des workshops nationaux (Atelier annuel « Mesure de la Déformation par Imagerie Satellitaire ») ou internationaux (ESA Fringe ou Living Planet meetings) afin qu’il puisse développer son carnet d’adresses. Il bénéficiera également des nombreux réunions et webinars organisés dans le cadre du programme FLATSIM.
En ce qui concerne la valorisation sous forme de publications, le/la doctorant·e aura la possibilité de produire plusieurs articles spécialisés sur son sujet, et l’opportunité supplémentaire de participer à d’autres articles de synthèse établis à partir de l’activité des encadrants.

Collaborations envisagées

Le volet Tibet du projet Form@ter FLATSIM est piloté par M.P. Doin (Isterre Grenoble) et réunit un ensemble de spécialistes. A ce titre, M.P. Doin fera partie avec C. Lassere (ENS Lyon) des collaboratrices externes du projet et de la thèse proposée. Ces deux interlocutrices ont une longue expérience en mesures InSAR sur le plateau Tibétain sur des thématiques de tectonique active et de rhéologie. Par ailleurs une collaboration active avec L. Martin (Cerege, et spécialiste de la modélisation des processus affectant le pergélisol) permettra de renforcer l’expertise de l’équipe sur la modélisation du pergélisol en partant notamment de modules numériques déjà existants incluant les aspects thermiques et hydrologiques, sur lesquels il suffira de rajouter les composantes de déformations verticales et horizontales.

Profil et compétences recherchées

Le candidat doit être titulaire d’un master en sciences de la terre, en télédétection ou d’un diplôme équivalent. Une partie importante du travail de thèse implique des calculs numériques utilisant la programmation, le traitement du signal (traitement d’images, analyse de séries temporelles), la modélisation et l’inversion. Par conséquent, le candidat doit faire preuve de compétences et/ou d’intérêt dans ces domaines. Les points suivants sont les bienvenus (mais pas obligatoires) : compétences en programmation en Python ou Fortran; expérience en traitement GPS ou InSAR ; expérience en SIG ; expérience en géodésie spatiale, en télédétection ou en géomorphologie.
Une bonne connaissance de l’anglais écrit et parlé est également attendue.