Érosion, altération et paléo-altération en Himalaya
Résumé :
L’altération et l’érosion des continents sont des acteurs fondamentaux des cycles bio-géochimiques globaux. Ils agissent sur le transfert de CO2 de l’atmosphère vers les réservoirs sédimentaires par l’altération des silicates et le transfert de carbone organique. En Himalaya, une région caractérisée par une altération cinétiquement limitée, l’interaction entre l’intensité de la mousson et l’érosion contrôle significativement l’intensité de l’altération. Ainsi, une évaluation quantitative détaillée de l’impact de l’érosion himalayenne sur le cycle du carbone est importante pour comprendre le rôle de cet orogène majeur. Les deux principaux fleuves Gange et Brahmapoutre qui drainent l’Himalaya et le Trans-Himalaya sont les principaux contributeurs de sédiments au delta du Bangladesh et au Cône du Bengale. Ces sédiments exportés et déposés par des courants de turbidité depuis le delta vers le Cône profond sur plusieurs milliers de km. Leur accumulation constitue un enregistrement historique de la paléoérosion himalayenne. La composition chimique de ces sédiments est héritée de la composition des roches mères et des effets de l’altération et du tri minéralogique au cours des processus de transport et de dépôt. Pour quantifier la paléoérosion himalayenne, cette étude se concentre sur la mise en place d’un modèle quantitatif de l’intensité d’altération des silicates himalayens. Nous utilisons les enregistrements sédimentaires du Néogène et du Quaternaire forés lors de l’expédition IODP 354 qui a foré un transect E-W de sept forages à 8º N dans une approche « Source to sink ».
Les formations drainées par les Gange et le Brahmapoutre présentent différents degrés de maturité crustale et de compositions chimiques et nécessitent donc une évaluation détaillée des sources de sédiments. Dans les sédiments turbiditiques, nous utilisons les isotopes du Néodyme pour tracer les sources de sédiments, car ils sont moins affectés par le tri et démontrent un bon traçage de la provenance géologique. Dans cette étude, nous utilisons un prétraitement chimique à l’acide acétique sur les sédiments qui élimine les phases carbonatées et permet d’analyser les éléments majeurs et traces des silicates des sédiments.
Les compositions des roches sources sont établies par un mélange entre un pôle himalayen et un pôle trans-himalayen dérivé des sédiments actuels du Gange et du Brahmapoutre. La différence chimique entre la roche source estimée et les sédiments exportés est ensuite utilisée pour évaluer la perte de cations critiques associée à l’altération. Des règles de normalisation ont été adoptées pour prendre en compte les effets du tri granulométrique afin de comparer des sédiments allant du sable au limon fin.
Cette approche montre une perte comparable de cations silicatés majeurs pour les sédiments du cône du Bengale par comparaison avec les sédiments du système actuel au cours de la période Plio-Pléistocène. Les enregistrements du Miocène montrent par contre un appauvrissement significatif de 0,1 à 0,3 mol/Kg de Na et de 0,2 à 0,4 mol/kg de Casil, ce qui traduit une altération intense du plagioclase, reflétant un régime de degré d’altération plus élevé. À l’échelle du Néogène, une telle réponse n’apparaît pas corrélée aux informations disponibles sur les variations climatiques ou de taux d’érosion. Parmi les facteurs probables, une température plus élevée au cours du Miocène et des changements de l’extension des plaines d’inondation peuvent expliquer une telle réponse. Les enregistrements du Cône du Bengale depuis le dernier maximum glaciaire répondent aux changements climatiques mettant en évidence une augmentation de l’altération chimique des silicates depuis le dernier maximum glaciaire jusqu’à nos jours.
Parallèlement à l’altération accrue des silicates, des proportions élevées de carbonates détritiques sont également observées au cours du Miocène, ce qui reflète une proportion plus élevée de carbonates dans la roche mère. Cette thèse fournit une revue complète de ces résultats, proposant des estimations de la paléoaltération des silicates en Himalaya, ainsi qu’une analyse des incertitudes associées.
Érosion, altération et paléo-altération en Himalaya
Abstract :
Continental weathering and erosion are fundamental components of global geochemical cycles on earth, facilitating the transfer of atmospheric CO2 to sedimentary reservoirs through alteration of silicates and transfer of organic carbon. In the Himalayas, a region characterized by kinetically limited weathering, the interplay between monsoon intensity and erosion significantly influences the intensity of weathering. Thus, a thorough quantitative evaluation of the impact of Himalayan erosion on the carbon cycle is imperative for understanding the role of this vital orogenic region. The two major rivers Ganga and Brahmaputra draining the Himalayas, act as the major contributors of sediments to the Bangladesh delta and the Bengal Fan. These sediments are exported and deposited by turbidity currents from the delta to the deep fan. Their accumulations provide an historical record of the Himalayan paleo-erosion. The chemical composition of these sediments inherits the source rock compositions and effects of weathering and mineralogical sorting during transport and depositional processes. To quantify the Himalayan paleo erosion, this study focuses on establishing a refined quantitative estimate of the Himalayan silicate weathering intensity. We use the Neogene and Quaternary sediment record retrieved by the IODP expedition 354 which drilled a seven site E-W transect at 8º N to address the objective using a source to sink approach.
The geological formations drained by the Ganga and Brahmaputra rivers exhibit varying degrees of crustal maturity and chemical compositions and hence demands meticulous assessment of the sediment sources. We consider the Neodymium isotopes to trace the sediment sources since they are less affected by sorting and demonstrate an efficient tracing of the provenance. In this study, we employ a controlled pretreatment with acetic acid in order to eliminate the carbonate phases of the sediments and analyse the major and trace element composition silicate phases of the sediments.
The compositions of the source rocks are established by a mixture between a Himalayan endmember and a Trans-Himalayan endmember derived from the modern river sediments of the Ganga and Brahmaputra. The chemical difference between the estimated bedrock and the exported sediment are then used to evaluate the weathering loss of critical cations. Normalization rules have been adopted to account for the effect of grain size sorting, which allows comparing sediments ranging from sand to fine silt.
This approach indicates comparable loss of major silicate cations in the Bengal fan sediments compared to those in the modern system during the Plio-Pleistocene period. On the contrary, the Miocene record shows a depletion of 0.1-0.3 mol/Kg of Na and 0.2-0.4mol/kg of Casil, implying an intense plagioclase weathering, reflecting a regime of higher degree of weathering. At the scale of Neogene such a response does not correlate with the available information on the rainfall and erosion rates. Among the probable factors, higher temperature during the Miocene and changes in floodplain extension can explain such a response. The late Pleistocene record from the Bengal Fan shows a response to the climatic changes highlighting an enhancement in the chemical weathering of the silicates from the Last Glacial Maximum to the present.
Along with the enhanced silicate weathering, high proportions of detrital carbonates are also observed during the Miocene which reflects a higher proportion of carbonates in the source rock. This thesis provides a comprehensive review of these findings, based on estimates on the paleoweathering of silicates in the Himalaya, along with an analysis of associated uncertainties.
Keywords: Paleoweathering, Himalaya, Bengal fan
Composition du Jury
Directeurs de Thèse
Julien Charreau, Professeur, CRPG, Université de Lorraine-CNRS, Nancy
Christian France-Lanord, DR, CRPG, Université de Lorraine-CNRS, Nancy
Rapporteurs :
Jérôme Gaillardet, Professeur, Institut de Physique du Globe de Paris-CNRS
Pascale Huyghe, Maître de Conférence (HDR), ISTERRE Université de Grenoble-Alpes-CNRS,
Examinateurs :
Emmanuelle Pucéat, Professeure , Biogéosciences, Université de Bourgogne-CNRS Dijon
Mara Limonta, CR Postdoc, CRPG, Université de Lorraine-CNRS, Nancy
Aude Gébelin, Professeure. , Géoressources, Université de Lorraine-CNRS, Nancy
Louis Derry, Professeur, Cornell University, Ithaca NY USA, IPGP Paris.