Combinaison des traceurs géochimiques pour reconstruire les trajectoires des contaminants dans un bassin versant industrialisé et anthropisé

Résumé français

La rivière Orne, un affluent de la Moselle, est un petit cours d’eau qui coule dans le nord-est de la France. Au cours des deux derniers siècles, le bassin versant de l’Orne a été fortement impacté par des activités industrielles. La plupart de ces activités industrielles telles que l’extraction de minerai de fer, la production de coke et les hauts fourneaux ont été installées à proximité de la rivière de l’Orne dans le but de fabriquer de l’acier. En réponse aux besoins industriels, certaines sections de l’Orne ont été détournées, des canaux et des berges ont été créées et quelques petits barrages ont été construits. Ces structures ont créé des réservoirs d’eau artificiels et favorisé le dépôt des matières en suspension (MES). Conformément à la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, l’effacement des structures artificielles telles que les barrages est recommandé pour restaurer les fonctions naturelles des rivières. Dans l’Orne, les principaux barrages ont été ouverts en 2019 et des opérations d’effacement de barrages ont été programmées. Cependant, le retrait des barrages a été annulé et les structures seront utilisées comme ponts pour relier les deux côtés de la rivière. L’ouverture des barrages peut entrainer la remobilisation et la dispersion des contaminants stockés dans le lit de la rivière. Ces contaminants sont le résultat des anciennes activités industrielles qui ont laissé des dizaines de tonnes de déchets tels que des boues stockées dans les berges de la rivière pendant des décennies, avec des concentrations élevées de Zn, de Pb et de Fe. Les objectifs de cette étude sont d’identifier les sources de Zn et de Pb particulaires introduites dans l’Orne, d’évaluer si ces sources peuvent contribuer à alimenter l’Orne en Zn et Pb particulaire lors d’événements de crue, et de quantifier leurs contributions respectives si cela est possible. Les objectifs ont été réalisés en échantillonnant les sources potentielles (sols, échantillons urbains et dépôts sidérurgiques) ainsi que les matières en suspension. La caractérisation a été réalisée pour ces échantillons en utilisant la diffraction des rayons X (DRX), la composition chimique par ICP-OES et ICP-MS, et les outils isotopiques (MC-ICP-MS Neptune Plus). Pour l’identification des sources, des échantillons de sol ont été prélevés dans des zones géomorphologiques distinctes caractérisées par différents types de sol. Ils ont tous la même composition minérale attribués au contexte géologique. Les poussières urbaines et les résidus de fabrication d’acier révèlent des phases minérales spécifiques (sulfates et oxydes de fer, respectivement). Les compositions élémentaires présentent des divergences marquées entre les différents ensembles d’échantillons. Les dépôts sidérurgiques sont particulièrement enrichis en Fe, en Zn et en Pb. Pour chacun des trois ensembles d’échantillons (sols, urbains, industriels), des variations de la signature géochimique ont été observées. Dans le cas des sols, les variations relativement importantes des compositions isotopiques en Zn et en Pb ont été attribuées à différente occupation des sols et à la contribution des dépôts atmosphériques. Pour les échantillons industriels, les variations étaient plus intenses et pourraient être attribuées soit à des processus industriels distincts dans la production de fonte brute, soit à des modes de traitement distincts dans les fours et les cheminées. Les trois ensembles d’échantillons (urbains, industriels et détritiques) peuvent être distingués en fonction des teneurs en Zn et en Pb ainsi que des isotopes. Cette étude a non seulement mis en évidence les sources qui libèrent du Zn et du Pb particulaires dans le système de la rivière Orne, mais a également démontré que les particules urbaines sont bien contraintes en termes de signatures isotopiques de Zn et de Pb, et que ces signatures isotopiques pourraient être extrapolées à d’autres études de cas. Lors de l’événement de crue, les MES ont montré des variations distinctes dans les teneurs en Zn et en Pb et leur composition isotopique en fonction des variations des débits d’eau. Dans l’ensemble, des valeurs élevées de Zn et de Pb sont enregistrées à faible débit d’eau, tandis que des valeurs basses sont enregistrées à débit d’eau élevé. Il est à noter que ces deux éléments augmentent généralement au début de chaque épisode de crue. Les deux éléments, ainsi que leurs compositions isotopiques, ont montré des variations significatives en fonction des épisodes des débits d’eau. Tout au long de la crue, un mélange notable de sources distinctes est apparu, englobant les contributions de l’érosion des sols, des apports urbains et des déchets industriels du fer et de l’acier. À l’aide d’un modèle basé sur la simulation de Monte Carlo, nos résultats ont montré (1) la dominance de l’érosion des sols à des niveaux d’eau élevés, (2) une forte contribution des apports urbains à faible débit d’eau, (3) une forte contribution des dépôts de sidérurgie au début de chaque montée de débit. Le modèle inverse adopté a fourni une image réaliste des différentes sources de particules pendant les événements de crue.

Mots clés : Rivière de l’Orne, dépôts sidérurgiques, outils géochimiques, isotopes du Zn et du Pb, soils.

Composition du jury :

Cécile Grosbois(U-Tours) : examinatrice
Nuria Martinez-Carreras (LIST) : examinatrice
Olivier Evrard (CEA) : rapporteur
Pascale Louvat (UPPA) : rapporteur
Emmanuelle Montargès-Pelletier  et Christophe Cloquet : directeurs de thèse.