Dynamique des grands glissements de terrain rocheux, modélisation numérique
et études de cas en Himalaya.

Résumé :

Les glissements de terrain sont un phénomène courant à la surface de la Terre. Ils représentent à la fois un
risque naturel majeur pour les populations et les infrastructures, et un processus dominant dans l’érosion
des pentes montagneuses et dans l’évolution des surfaces continentales. Les facteurs qui conditionnent et
préparent les pentes avant de les conduire à s’effondrer sont multiples et comprennent, entre autre, les
caractéristiques du matériau constitutif du versant ainsi que des facteurs externes tels que le climat et la
sismicité. L’étude de ces facteurs est fondamentale pour pouvoir comprendre l’apparition des mouvements
gravitaires et leur dynamique. Cela inclut notamment la compréhension des déformations lentes, ou
l’occurrence des mouvements de grande ampleur, qui bien que se produisant rarement, ont un fort impact
en termes d’aléas naturels et de développement des reliefs.

Cette thèse de doctorat se concentre sur les glissements de terrain profonds qui se produisent au sein du
substrat rocheux des versants. La première partie de cette thèse s’intéresse à deux phénomènes gravitaires
majeurs se produisant dans le massif de l’Annapurna en Himalaya (Népal central) : les écroulements rocheux
géants (volume de débris > 0,1 km3) et les déformations gravitaires lentes de versants (DSGSD en anglais).
Des mesures d’âge d’exposition basés sur les nucléides cosmogéniques (isotopes 10Be et 36Cl) et d’âge
d’enfouissement (14C) nous ont permis de dater l’âge de 3 écroulements géants en flanc nord des
Annapurnas, ou de reconstruire la paléo-activité d’un grand DSGSD en flanc sud. Combinés avec la
reconstruction des volumes, nos résultats indiquent que les écroulements géants se sont produits pendant
l’optimum climatique de l’Holocène (EHCO) et l’optimum climatique médiéval, c’est-à-dire principalement à
la fin de périodes plus chaudes et plus humides. Ce synchronisme suggère un forçage climatique sur le
déclenchement des effondrements géants. Nous identifions également une plus grande activité du DSGSD à
la fin de l’EHCO, soulignant de même le rôle du forçage climatique sur la déstabilisation des versants
himalayens.

Dans la deuxième partie de la thèse, un modèle aux éléments discrets est utilisé pour étudier comment
l’anisotropie mécanique de la roche affecte la rupture d’un versant de pente uniforme. Après avoir défini un
matériau à isotropie transverse et aux caractéristiques mécaniques proches de celles d’un gneiss, nous
explorons de manière systématique et en deux dimensions (0 – 180°), l’influence sur la rupture de
l’orientation relative du plan d’isotropie par rapport à celle du versant. Nos résultats indiquent que si le plan
d’isotropie est légèrement moins incliné que la pente topographique (configuration cataclinale), la stabilité
de la pente n’est assurée qu’avec une résistance du substrat beaucoup plus élevée que dans une
configuration où le plan d’isotropie est perpendiculaire à la pente (configuration anaclinale). De plus, comme
constaté sur le terrain en Himalaya, les modes d’effondrement des versants dépendent fortement de
l’orientation du plan d’isotropie. Nous observons : pour les pentes cataclinales, un glissement parallèle au
plan d’isotropie ou sinon un flambage, si le versant est plus ou respectivement moins raide que le plan
d’isotropie ; pour les pentes anaclinales, un basculement/fléchissement ou l’éboulement par blocs, suivant
que le plan d’isotropie est à fort ou faible pendage.

Contredisant, pour les montagnes actives, la vision simplifiée de versants aux pentes uniformes et proches
de l’angle de frottement interne des roches, notre travail met en évidence une diversité de pentes critiques
et de processus de glissement de terrain qui dépendent à la fois de facteurs internes (e.g. l’anisotropie) et de
facteurs externes (contexte tectono-climatique).

Directeurs de thèse:

Jérôme LAVÉ et Luc SCHOLTÈS (LMV, Clermont-Ferrand)

Membres du jury :

Federico AGLIARDI Università degli Studi di Milano-Bicocca, Milan
Pascal LACROIX Laboratoire ISTerre, Grenoble
Marin CLARK University of Michigan
David AMITRANO Laboratoire ISTerre, Grenoble
Monique FORT Professeure émérite, Université Paris Cité (Paris Diderot)